10 ans que je sais ce qui s'est passé dans mon corps.
10 ans que j'ai pris conscience que j'ai été abusée.
10 ans que le diagnostique du cancer a été posé : un lymphome hodgkinien.
10 ans et les images des premiers moments sont fortes et rejaillissent comme les visions d'un cauchemar.

Cauchemar. Sang.
Douleurs. Peurs. Angoisses.
Chimiothérapie. Chirurgie. Bloc opératoire.
Couloir blanc. Brancard.
Perfusion. Aiguille. Trocart.

Je revois cette femme me dire tout ce que je risquai, la veille de mon 23ème anniversaire. Une médecin avec un fort accent de l'Est. Elle me prévenait..... de ce que les chimio abîmeraient chez moi..... Les dents, le foi, les reins, le cœur.... Je n'avais encore que 22 ans et elle me proposai de vieillir sans corps....

Quel était alors l’intérêt de me soigner si le résultat était aussi médiocre !!?? Pourtant, je m'étais alors fait poser une "boite" : cet objet qu'on vous place sous la peau, un cathéter sous cutané. Pourtant, je trouvai alors la force de me battre !! Ou, au moins de trouver des solutions !

Ce cauchemar, cette parenthèse dans ma vie, a duré des années. De 2005 où le diagnostique a été posé à 2009 où les traitements ont pris fin.

janvier 2005 : je prend conscience de mon viol

avril 2005 : les symptômes de dérèglements physiques commencent à apparaître (érythème noueux, chaînes ganglionnaires gonflées et douloureuses). Je rencontre un médecin qui évoque la Hodgkin pour la première fois...

mai 2005 : 15 jours au service des maladies tropicales et infectieuses de l'hôpital de Roanne pour aboutir sur le diagnostique de la maladie de Hodgkin, un cancer du jeune me dit-on.... Je passe mes premiers scanners et PET scanner. Comme traitement, des chimio, de la radiothérapie et à l'époque, une éventuelle ablation des chaînes ganglionnaires récalcitrantes........ On me pose mon "pac" et on me fait la première chimio.... La prise en charge psychologique n'est pas au top et je cherchais alors des solutions alternatives.

juin 2005 : je prends contact avec un ostéopathe qui me prend en charge, me demandant d'arrêter les chimio. Ce que je fais... pendant un laps de temps certain.

septembre 2007 : je gonfle à vue d’œil, je fuis mes amis proches, je fuis ma famille, je me cache derrière un foulard pour que ceux qui m'entourent ne puissent percevoir mon énorme cou d'Auroch..... Chaque choc émotionnel fait grossir les ganglions déjà énormes....

hiver 2007-2008 : je me terre chez des amis qui acceptent de ne pas me faire de remarque sur ma santé. Ils m'ont permis d'accepter l'inacceptable à ce moment là, pour moi. Retourner en chimio, c'était pour moi un échec cuisant. Mon corps devait se battre tout seul ! Sans ces laboratoires pharmaceutiques véreux !!! Je ne remercierai jamais assez ceux et celles qui m'ont permis d'attendre d'être prête, mais je ne remercierai jamais assez ceux et celles qui me sont rentré dedans en me disant qu'ils ne voulaient pas me voir mourir sous leur yeux.... Je ne dormais plus la nuit entre les sueurs nocturnes, les démangeaisons, les douleurs internes.... Je ne mangeais plus grand chose..... Et mes foulards ne me quittaient plus.....

mars 2008 : je commence à me dire que mon corps seul n'arrivera pas à battre ce cancer. Je réalise aussi que j'ai la chance de vivre en France et d'avoir accès à la médecine. Ai-je ne droit de me laisser mourir alors que d'autres humains aimeraient avoir la possibilité de se battre ? Ai-je envie de faire ma dernière bringue dans un cercueil ? Ai-je vraiment envie de quitter cette terre et tous mes êtres chers ? Ce sont eux qui m'ont sauvés. Ceux et celles que j'aime le plus au monde ! Mes ami(e)s, ma famille : ce sont eux qui m'ont permis de me dire que la vie valait la peine d'être vécue ! Et un peu plus longtemps que la vingtaine!!!

Pasques 2008 : la neige est encore là, ma mère prétexte des vacances dans le sud pour passer me voir après des mois de fuite (c'est moi qui fuyait, pas ma mère!). Là, elle me propose de passer chez des amis avant de faire la route. Là, nous buvons le thé.... et j'avoue enfin être en train de me suicider à petit feu... Sous le nez de ceux et celles que j'aime !!!! C'est là, après des mois de luttes que je me rend compte que je me laisse mourir et que je suis en train de faire supporter ça à ceux et celles que j'aime le plus au monde ! Enfin, j'accepte d'aller à l'ICL où je serai immédiatement prise en charge au vue de l'avancement de la maladie.....

avril-novembre 2008 : je suis mes cycles de chimio et plus j'accepte le traitement et moins il est pénible. Plus je suis en accord avec ce que je vis (même si c'est dur, j'avais choisi de vivre, donc de me soigner ! La chimio n'était plus une obligation, mais un choix de VIE). Je commence à pratiquer grâce à ma mère la relaxation, le yoga nidra, la visualisation, etc. Elle me pousse alors à user de médecines alternatives (homéopathie, phytothérapie, aromathérapie, changement d'alimentation,etc) en même temps que l'allopathie lourde. A la fin des cycles de chimio (une chimio en J1, une en j8 puis pose d'une semaine et on recommence 8 fois)

Aujourd'hui, pourtant, point de vue santé, je vais bien mais ces images, les images de mon parcours resurgissent et me hante. Cette épée de Damoclès que nous avons tous autant que nous sommes au dessus de la tête : la mort.

Mais, je ne pense pas que la mort soit le "problème". C'est surtout la douleur, la peur et l'angoisse de la mort qui sont problématiques. Et le pire dans tout ça, c'est que ce n'est pas ma mort qui m'angoisse mais celle de ceux que j'aime le plus au monde.